de ndongo
Quatrains
01 / 03
cycle 1
Le centre tranquille du vacarme
« Le poète est un géant qui passe sans effort par le trou d’une aiguille et, à la fois, un nain qui remplit l’univers. »
Pierre Reverdy, Le gant de crin
À mon arrière-grand-mère Léonie.
Les quatrains de Ndongo : Plus qu’une religion, plus qu’une philosophie, le bwiti, société initiatique du Gabon, est, pour les personnes dont le cœur ne s’égare pas en chemin, une école de l’Homme, un art de vivre. Dans la langue du bwiti, Ndongo signifie l’aiguille, généralement piquée dans une plume de perroquet, et symbolise la parole juste.
Non pas le néant, non, pas de désert aride
Entre les étoiles d’or n’est pas le grand vide
Là existe la possibilité de l’être
Des ondes immobiles étranges sylphides
Émergeant du levant chevauchant le ponant
La Loire offre en passant merveilles et présents :
Futreaux au fil des joncs carpes et tourbillons
Nids de sable accueillant mouettes cormorans
Espoir contre chagrin la mère sue la peur
Au pied d’un mur sans fin l’éléphanteau se meurt
Tête contre paroi sa mère pousse encore
Dedans survit la foi dehors s’écoule l’heure
Vois cet homme au labeur : sans l’air d’un grand vicomte
La géographie de son visage nous conte
La belle histoire d’un cœur léger et joyeux
Menant mortel combat sans jalousie ni honte
Pour Léonie :
Souvenir révélé à la croisée des songes
Au delà de la mort ni secret ni mensonge
Aïeule des trottoirs répudiée par les tiens
Du clos de la honte brise à jamais la longe
Branches enchevêtrées et grèves désertées
Landes abandonnées villages dévastés
A travers ces contrées lentement je chemine
Car au loin je devine un sommet enchanté
La ville dévorant sournoisement le ciel
La colline et la mer tout baigne dans son fiel
Mais la ville aussi brasse et lie idées et peuples
Tel l’esprit ses muses aux jupes couleur miel
Oh la vie cristallisée dans ces modestes vers !
Qui leur insufflera l’énergie nécessaire
Leur permettra d’aller rejoindre tes contrées
Et fleurir tes ébats de pensées libertaires ?
Seul le silence suit la rafale de vent
Intention abandon tension relâchement
Maître de la semence accepte la récolte
Le cycle de la vie son rythme permanent
C’est à la marge que se crée le renouveau
Là où le souffle vif de l’anarchie prévaut
Haro sur l’arrogant chacun prend la parole
Un pour tous, tous pour un, tissant grands idéaux
Un souffle caresse la surface des mers
De l’humus s’élèvent des êtres doux amers
Silhouettes fragiles cherchant leur équilibre
Entre enracinement et traversée des airs
Là où rien n’est précis là où rien ne se fige
A la périphérie d’un monde sans vertige
L’insoumis chante là sa poésie des marges
Liant verbe onirisme et l’inédit s’érige
La beauté dérobée au zénith du chemin
Retrouve ses attraits quand vient soir ou matin
Don du soleil rasant un feuillage accueillant
Joie de l’effleurement caresses de satin
Par la force de l’eau le ciel offre à la terre
Le pouvoir d’enfanter élever dans les airs
Plantes et animaux, hommes femmes égaux
Semblables et divers car tous complémentaires
Patiemment extraire l’anarchie de la nuit
Déconstruire tout ce qui a été construit
Lentement transformer rêve en réalité
Et du présent jouir serein épanoui
Courbes ondulantes sous de fins vêtements
Intimités données aux regards clairvoyants
Les peaux nues frémissent sous sa percée coquine
Le voilà l’enivrant l’érotique printemps
Désirs électriques à la surface de
L’être reconnaissant. Voici le généreux
Dessein du fol printemps : ramener à la vie
Après viatique l’orbe du merveilleux
Quitter ses possessions en franchissant les murs
Perdre ses idéaux tel l’arbre ses fruits mûrs
Laisser peurs et amour résoudre leurs conflits
Enfin aller en vie sur le fil de l’épure
Écrire de beaux quatrains en alexandrins
Composer des vers agiles devant son vin
Les puissants et les chiens s’en moquent bel et bien
Ainsi pourtant ne souffle pas l’instant en vain
L’important c’est bien le goût et la joie de vivre
De toi de tendres mots de bons vins être ivre
Et en chemin prendre le temps de contempler
Le secret des lignes composant le Grand Livre…
Traverser les champs d’hiver où germent les armes
Découvrir le centre tranquille du vacarme
Faire entrer en soi le silence de la neige
Et dans la joie de vivre verser une larme
Entre deux niveaux d’énergie vibre la vie
La terre et le ciel l’enfer et le paradis
Font de l’Homme un redoutable champ de progrès
Et de l’Enfant l’espoir d’un fruit plus accompli
Rouge entre noir et blanc la vie n’a pas de camp
Entre naissance et mort de passage en vibrant
Entre dedans dehors tenace tremblement
L’éternel entre-deux va et vient ardemment
Dire je t’aime c’est façonner une bulle
De savon que l’on sème au souffle majuscule
Sous son vol tranquille même crêtes hostiles
Laissent avec style sonner la campanule
Au fond de moi se trouve un ciel empli d’étoiles
Parents amis femme enfants brillent là sans voile
Parfois filent des astres l’œil les suit en vain
Mais ton apparition persiste sur la toile
Quelques météores charmants mais insistants
M’entraînent sans discours parfois à mes dépens
Chacun dans son sillage où j’apprends la gouverne
Par la raison guidé profitant de l’élan
Sur la voie lâche prise et impedimenta
Oscillante la vie ici rythme tes pas
Au puits et aux labours tu te reconfigures
Sans cesse en transition sous de variants climats
Le nez dans tes cheveux je pars en aventure
Cet élan qui s’incarne au cœur de ta structure
Propose tant de joie et mille fantaisies :
Aux faîtes de la vie on respire l’air pur
Crois-tu au motif de ce que tu entreprends ?
Es-tu au bon endroit ? Vis-tu le bon moment ?
Sens-tu tes vrais amis ? La juste stratégie ?
Si oui alors fais-le, le cœur plein et vaillant
Épée de lumière heaume de chevalier
Dans une caverne, peut-être ma moitié
Enfouie en attendant le souffle de l’instant
Me voilà maintenant sur la voie du guerrier
Teintée d’éternité, d’amour couleur marine
La vie à tes côtés chaque jour illumine
Les ténébreux aspects de mon être subtil
Fleurissez noirs terrils, éclos beauté des mines !
Un fait demeure un fait pourquoi l’étiqueter ?
Tu te voues au malheur ne cessant de juger
Ca est bon ça mauvais : tes émotions te leurrent
Cesse donc ces procès accepte ce qui est
Entre l’infiniment grand et l’infiniment
Petit règne l’Homme : de la nature enfant
Soumis puis contempteur, évoluant vers quoi ?
Là mûrit ton être de la vie le servant
Ici fut le conflit là gisent les squelettes
Hier ombre et lumière en toi contaient la geste
Du déploiement de l’être aujourd’hui unifié
Dans cette vérité : tu es tes faits et gestes
L’on va loin pas à pas : lis et relis tes livres
Ils te préparent aux vérités qui délivrent
L’une d’elle bientôt près d’un cap délicat
Grave en toi son écho homme en quête de vivre
Facilité repos petit Pinocchio
Ne t’apporteront que la fortune du sot
Être libre réclame efforts discernement
Un combat contre toi pour que bois devienne os
Petit homme assis là méditant sur la loi
Je gouverne mon âme ou un autre que moi
Fera pénétrer là peurs sombres et tracas
Quand je chéris la flamme ardente de la joie
À l’ombre du tremble je contemple ma vie
Sur son étique pied la feuille au vent frémit
Chahutée ballottée mais conservant le sens
Du flux virevoltant qu’elle épouse ravie
Entre désir et peur je m’agite en souffrance
Convaincu que malheurs riment avec errance
Vient le temps où le cœur quitte toute défiance
En paix dans ta grandeur j’agis bien en présence
Sous mon pin parasol l’esprit vacant je vole
Meurt le temps croît l’espace et l’horizon s’affole
Loin de la surface le réel se dévoile
Spirale à double face unique farandole
Émetteur récepteur carrefour et vecteur
Laisse couler en toi les fluides migrateurs
Canalise sans frein évite tout arrêt
Sois le moins imparfait et tends vers le meilleur
Au pied du vieux château des esprits se prélassent
Là mon ombre est double sur l’herbe verte grasse
Dansez sous le soleil filiformes silhouettes
Mon cœur s’emplit de joie et monte à la surface.
Danser sans cesse entre racines et bourgeons
Chercher la canopée quand noire est la chanson
Le soleil et la lune applaudissent en cœur
Ces efforts visant à boxer l’oscillation
Des rayons matinaux effleurent de leurs voiles
Une terre givrée, éveillant mille étoiles
Rémanence de nuit et promesse d’un jour
Levé pour rêvasser près d’un modeste poêle
Mortelle est la forme et éternelle l’essence
Vois là-bas ce bel orme élégamment il danse
Demain iront au vent ses atomes mourants
Laissant environnante une infinie présence.
Dans le ciel un palais sur le marbre un reflet
Danse Belle à l’heure folle du feu follet
Les anges minéraux suivent ton numéro
Le tragique et la mort effleurent ta beauté
Cette vague qui porte à l’abîme tes os
Ondulait bien avant ta sortie du repos
Elle n’existait pas que déjà son possible
Sifflotait son amour au plus secret des eaux
Des étoiles la nuit, des ombres la journée
Silence dans la guerre effroi dans la beauté
Le puits dans le désert la friche dans la ville :
Il rit le condamné avant d’être emporté
Non pas le néant, non, pas de désert aride
Entre les étoiles d’or n’est pas le grand vide
Là réside la possibilité de l’être
Des vagues immobiles écume candide